En mode polyamour cloisonné

Nous n’avons pas de programme, si ce n’est de passer la soirée et la nuit ensemble. Il ne cuisine pas et déménage le lendemain. C’est donc au restaurant que nous continuons à faire connaissance. Je suis un peu surexcitée par ce que je viens de vivre, ce que je m’apprête à vivre avec lui, et ce que je vais vivre le lendemain, puis cette semaine annoncée intense avec la deuxième séance de toile vivante en Bretagne chez Io Illy. Il est un sujet qui me tient à cœur avant toute chose ce soir. Celui de savoir où tu te situes avec la question du polyamour. Notre seul échange à ce sujet a été bien trop bref et évasif pour que je n’ai pas besoin de m’assurer de ce que tu as compris, entendu, veux. Je te pose donc la question assez ouvertement, et comme à ton habitude, tu ne me réponds pas forcément clairement, ou en tous les cas pas avec de longues phrases explicatives. Tu t’en tiens à me dire que je fais ce que je veux, que personne n’a à dire à personne ce qu’il a à faire, et encore moins toi. Qui serais-tu pour savoir ce qui est bon pour moi ? C’est donc à toi ensuite de rester si cela te convient, ou de partir. En effet, ce discours est pour le coup on ne peut plus clair et explicite, et n’attend pas de développement particulier. En théorie, c’est l’idéal. C’est bien la première fois que l’on me dit cela, et que je me sens accueillie avec mon entièreté de qui je suis aujourd’hui.

En théorie donc, c’est facile à dire. Mais en pratique c’est tout autre chose, et je ne pose même pas la question de savoir s’il en a une quelconque expérience. J’en doute fortement mais ce qui me vient, c’est qu’il en a envie. Comme il me l’a répété souvent par la suite, il me fait confiance et se laisse guider à vivre ce que j’ai à proposer. Ça aussi c’est nouveau pour moi, en général je rencontre de la résistance. Là non, pas du tout. Il ne reste plus qu’à régler les aspects pratiques. Cloisonné ou décloisonné ? Souhaite-t-il savoir ce que je vis ou juste savoir que je peux le vivre. Il répond sans hésiter qu’il ne veut rien savoir. Ok. Je sais immédiatement que ça va être compliqué pour moi. Moi qui aime raconter, sans forcément entrer dans les détails, à la manière dont je le fais sur le blog. Je mets quand même le doigt sur le fait qu’il faudra dans ce cas qu’il arrête de me lire, car forcément il apprendrait alors ce qu’il ne veut pas savoir. C’est entendu, nous démarrons donc sur ces bases, en mode “Allons-y ! Et on verra bien…”. Je me demande si je dois insister, mais il a l’air tellement sûr de lui que je n’ose pas. J’ai juste donc en tête cette épée de Damoclès qu’il partira si ça ne lui convient plus. Mais après tout, c’est la même histoire à chaque histoire, c’est le jeu !

Au cours de mes deux longues périodes de relation en couple polyamoureux (deux fois neuf mois elles ont durées…), j’ai exploré moi-même les deux modes, cloisonné ou décloisonné, ce qui m’a permise de mieux me connaître finalement. J’ai toujours eu une préférence pour le décloisonné. Tout simplement parce que mon amour est aussi mon confident, mon ami, mon amant. Comment pourrais-je lui taire une partie de ma vie, qui plus est la plus intime, celle que vivent mon cœur et mes désirs ? Et vice-versa. Cela me paraissait aussi simple que risqué. C’est évidement là où ça fait le plus travailler, l’ego et la confiance en soi. Il a été des périodes où je n’ai préféré plus rien savoir, parce que cela me faisait trop de mal. Mais je me suis rapidement rendue compte que mon imagination était bien plus débordante que la réalité. Et finalement, c’était même de ne pas savoir qui me renvoyait les blessures de la trahison et du rejet. Le mensonge par omission m’était devenu encore plus insupportable que ce qui pouvait parfois blesser mon ego et raviver ma jalousie native. A ce stade de notre relation naissante, nous sommes donc totalement inversés : il est exclusif et ne partage pas (ou très peu) ce qu’il fait en dehors de nous (quel que soit le sujet), et ne veut rien savoir de ce que je fais sans lui ; je suis polyamoureuse, partageuse de tout, et expansive, ne sachant pas (ou plus) mentir par omission.

A la première occasion qui ne tarde pas à venir (quelques jours plus tard seulement), je rentre donc de cette deuxième séance de peinture sur corps avec Io Illy et une quantité impressionnante de photos toutes aussi sublimes les unes que les autres, que je ne vais pas pouvoir lui montrer… Première frustration… Je ravale mes élans de partage et garde cela pour moi pendant quelques temps. Au fil de nos discussions, je comprends que ce sont les hommes que je ne peux partager avec lui. Donc s’il existe une possibilité d’échange à trois avec une femme, je reste plus ou moins libre de lui parler d’elle et de ce que je fais, sans jamais entrer dans les détails. Il acceptera donc quelques semaines plus tard de découvrir les photos de la séance, et donc de deviner par l’image ce qui s’y était passé. De toutes façons, son petit doigt lui avait déjà tout dit. Et puis, rapidement, je n’ai plus eu envie d’autres que lui, aussi concentrée que j’étais sur l’intensité de notre relation. Toutefois, une nouvelle expérience se présente à moi : je tombe amoureuse virtuellement d’un autre homme. Comme promis, je le garde pour moi… quelques semaines à peine. Impossible de ne pas lui partager mes émotions. Après avoir analysé la situation, il conclue avec lui-même qu’il est capable d’accepter cette relation tant qu’elle reste virtuelle et platonique. Et il me demande en mariage au bout de quatre mois de relation, dont deux de vie commune, sûr de l’évidence de notre couple.

Alors, quand je l’informe que j’ai envie de récupérer ma totale liberté, celle que j’ai exposée, posée, expliquée, imposée depuis le début de notre rencontre sans l’appliquer par non envie, celle dont il n’a pas envie mais qu’il sait possible et qu’il a accepté comme tel, celle qui me manque au bout de presque neuf mois, parce que je suis ainsi, il me répète à nouveau qu’il ne veut rien savoir, qu’il ne doit rien sentir (tout en étant persuadé au fond de lui qu’il va forcément le sentir parce qu’il est ultra sensible et qu’il préférerait parfois être autrement). Je le lui promets. Il est évident pour moi de respecter ses conditions à lui, puisqu’il respecte les miennes. Je ne peux donc lui parler de rien, ni le contexte, ni la ou les personnes concernées, ni rien. Et cela me va, car j’apprends (surtout depuis lui) à avoir un jardin secret (ce qui n’est pas du tout inné chez moi, ayant toujours tout dit à ma mère jusqu’à mon début de vie de femme). C’est donc un gros challenge pour moi que de modifier mes “habitudes”, mon mode de fonctionnement, mes schémas en quelques sortes. Mais pour moi, toute relation existe pour cela précisément. Alors, j’en suis déjà heureuse d’avance.

J’y suis parvenue, je me suis lancée pour vérifier ma capacité à réussir très rapidement. C’était essentiel pour moi de le savoir, sinon, si les règles ne sont pas applicables, elles ne servent à rien et mettent en danger la relation. J’y suis même parvenue parfaitement. Ce fut vraiment comme une parenthèse qui n’a pas hanté mes pensées une fois refermée. Il n’en restait juste après qu’un souvenir lointain comme un rêve qui s’estompe très rapidement une fois éveillée. Ce qui m’a franchement beaucoup aidé à me retrouver dans mon couple, sans changement notable (tout du moins je l’ai espéré). La seule modification qui a pu le faire douter est ma nouvelle gestion de la séparation, pour notre troisième mise en situation. Moins demandeuse, moins déprimée, moins présente aussi par message, ce qui n’a fait qu’éveiller chez lui un doute, et notamment sur l’état de ma relation avec S. Une fois nos retrouvailles consommée, et parce qu’il insiste sur le fait qu’il ne lira pas mon article sur mon amireux, il en vient spontanément à me dire que si je décidais de reprendre une relation physique avec lui, il devrait le savoir… Le silence se fait entre nous… Je suis tellement interloquée que seuls mes yeux sont écarquillés, et ma bouche muette. Comment puis-je gérer un “je ne veux rien savoir”, le fameux qu’il m’a tout de suite exprimé et qui a pourtant déjà posé question, si finalement il veut savoir ?

Il aurait fallu donc préciser que ma liberté, je la voulais principalement car mon amireux me manque depuis neuf mois que nous n’avons pas été intime, lui et moi. Ne voulant rien savoir, la décence m’imposait au contraire de rester muette. Et bien m’en a pris, puisqu’aujourd’hui au courant, il me dit qu’il n’aurait pas accepté ma proposition, et m’aurait quitté sur le champs sans possibilité de retour. Un mois plus tard, et supposant que la consommation a été faite, il en est autrement, et heureusement pour nous. Donc non seulement il sait, et avec qui (mais pas quand ni comment, et ça ne sera jamais le cas), mais il a lu mon article, compris la relation que j’avais avec “l’autre”, à laquelle je n’ai aucune intention de renoncer (pour l’avoir fait en vain par le passé), et surtout pourquoi j’en ai besoin. J’ai toujours expliqué qu’il s’agissait dans le polyamour, pour moi, de compléter ce que ma relation principale et prioritaire ne pouvait pas m’apporter. En l’occurrence, une caractéristique physique qu’il n’aura jamais et dont je peux me passer qu’avec difficulté. Ainsi, j’opte pour l’honnêteté absolue et préfère annoncer la couleur dès le début, plutôt que constater trop tard que le naturel revient toujours au galop.

Aujourd’hui, après toutes mes expériences de relations ouvertes et exclusives, je sais ne pas pouvoir revenir à une exclusivité totale, vouée à l’échec immanquablement. Toutefois, je respecte toujours la volonté de l’autre, et m’ayant dit d’entrée de jeu “je ne veux rien savoir”, il paraît évident qu’il ne peut découvrir l’état de ma relation avec mon amireux que bien des mois plus tard. Alors que je lui ai présenté dès notre deuxième rencontre, s’il n’a pas posé de question, je ne pouvais décemment pas lui jeter à la figure une réalité que je ne peux nier. Aurais-je dû ? S’il a durant quelques mois espéré ne pas être confronté à cette situation concrète, il n’a aujourd’hui plus d’autres choix que de se rendre à l’évidence (aussi celle-là) : Paul va épouser une polyamoureuse*.

*et sûrement qu’il vous en parlera un jour… à suivre !

4 commentaires sur « En mode polyamour cloisonné »

  1. Cela a pris quelques mois quand même … déjà digérer la tromperie et le fait de beaucoup discuter …. aujourd’hui je suis une femme épanouie

  2. Je suis poly amoureuse !

    J ai découvert le polyamour qd j ai appris que mon homme avait une maîtresse en fait … bcp de discussion pour savoir se qu il en était….

    Il était amoureux … de moi mais aussi de cette femme aussi … dur à digérer sur le coup !

    Mais une chose m intriguée… il était toujours présent, doux, à me désirer

    Qd il m en parle dans ces yeux et mots l amour se ressente

    J ai donc décidé de le laisser vivre ce double amour… tout en me confirmant que si cela m arrivée, je pourrai le vivre sans crainte de sa part.

    Cette chose arriva, j ai fait une rencontre et j aime cette personne mais aussi mon homme … mon trouple

    La recette est surtout que toutes les personnes concernées soient bien consciente du polyamour et de l accepter 🥰🥰🥰

    Je suis prête à échanger ou à discuter de cela pour toute personne qui le souhaite…

    Soyez sage mais pas trop 😘😘🔥

    1. Merci pour ce superbe témoignage ! J’adore. Et très contente pour vous. J’imagine que tout cela a pris du temps ! Combien ?

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