Je dis souvent que la première impression est la bonne. Enfin, pas forcément la toute première, celle de l’entretien d’embauche où on est censé montrer le meilleur pour donner l’envie de continuer. Celle-là n’est qu’une façade, une apparence, un appât. Et puis, je gratte un peu, et là souvent je décèle un truc, LE truc, celui qui va faire que ça ne va pas marcher mais je continue quand même pour ne pas avoir de regret. En fait, j’ai l’info dès le début, je le sais mais je veux vérifier, je ne me fais pas assez confiance. Alors, c’est une nouvelle expérience que je décide de vivre en conscience, qui va m’aider à avancer, à comprendre, à dépasser certains blocages peut-être.
Aujourd’hui, j’ai compris que tout cela m’amène à me positionner clairement, avant même de devoir restée alignée. Il paraît que je suis contradictoire : en effet, je dis oui alors que c’est non. Et pourtant, je dis parfois non, mais l’autre croit voir mon corps dire oui. A partir de maintenant, quand c’est non, c’est non ! Fini l’écoute empathique, l’écoute des envies de l’autre, l’écoute du corps de l’autre. Depuis quelques années seulement, j’ai appris à me connecter à mes émotions, mes envies, mes ressentis. Parce que jusque-là, je ne faisais pas vraiment la différence. Au tout début de la relation, j’y arrive encore un peu, mais dès que j’entre en intimité, je me perds dans l’autre. Je fusionne, même si la relation n’est pas fusionnelle. Et je dis oui, alors que c’est non pour moi. Pas étonnant qu’ensuite je m’éteigne, que je perde goût à ce que j’aime quand je suis seule, et que je devienne ingérable. L’image la plus symbolique que je peux y mettre, c’est celle d’un insecte dans une toile d’araignée.
Mais cette toile n’est pas forcément tissée de manière intentionnelle, comme pour cerner une proie. Il est impossible que je tombe systématiquement sur des manipulateurs et autres pervers narcissiques. Pas à ce rythme-là. En revanche, comme l’autre n’est en capacité de voir que ce qu’il a envie de voir, il capte les signes de consentement, et oublie les signes de désaccord. Il en devient sourd et aveugle, et continue de renforcer les liens, comme pour créer une sécurité supplémentaire. Parce qu’inconsciemment, c’est certain qu’il sent l’éloignement, les manques d’élan, les silences et les reproches qu’il reçoit comme des réactions de défense agressives liées à mes traumas. C’est trop facile de mettre la faute sur les autres ! mais a-t-il le moyen de faire autrement, lui-même englué dans ses ressentis amoureux.
« nous » est le centre des conversations
Un des points communs flagrant est cette propension à systématiquement ramener le sujet de conversation principale au couple. Le problème, c’est l’excès. Bien sûr qu’il est acceptable pour moi de faire le point sur nos sentiments, sur notre relation de temps en temps. Il est important pour moi de savoir comment l’autre vit la relation, perçoit les choses. On en apprend beaucoup parfois. Mais quand cela devient le principal sujet de conversation, ou que chaque moment vécu est commenté en direct : « t’as vu, on est bien ! tu vois, on s’entend bien ! nous allons pouvoir faire ça ou ça ensemble, c’est magnifique », moi ça me gêne.
Au début, je ne me suis pas méfiée. Je trouvais même ça plaisant, comme je l’ai dit, de savoir ce qu’il pensait de « nous ». Enfin, plutôt d’apprendre qu’il y avait un « nous ». Oui, parce que nous n’étions qu’amis. J’étais mariée, je venais d’avoir ma fille et ça faisait quelques mois que nous nous appelions régulièrement pour donner des nouvelles. En vérité, il s’était fait quitter, il était très malheureux et j’ai jugé bon d’être là pour lui. Alors, nos appels, d’hebdomadaires, sont devenus quotidiens, j’avais un temps de trajet en voiture qui me le permettait. Et de sujets du quotidien de nos vies respectives, petit à petit, il ne restait plus que « nous ». J’en ai pris conscience au bout de six mois, et j’ai mis fin à ces conversations téléphoniques de manière brutale. Là, j’avais dit « non » clairement.
Puis, j’ai fait un rêve. Il me manquait visiblement. Je lui en ai fait part. Il m’a assuré que jamais nous nous embrasserions, que jamais je mettrais ma tête sur son épaule, comme je l’avais fait précédemment avec un autre ami devenu amoureux mais avec qui tout s’est très bien fini. Je suis repartie rassurée et sereine. Tout était clair. Sauf que, dès le lendemain, il m’avouait avoir été troublé par notre conversation. Et là, je suis tombée dans la toile d’araignée. Il a soufflé le chaud et le froid pendant plusieurs mois, jusqu’à ce que je décide de tout quitter pour lui. J’avais juste besoin de tendresse, ce que mon mari ne m’apportait pas beaucoup. J’avais juste besoin d’un amant, ce qu’il avait refusé d’être. Et j’ai dit oui, alors que c’était non. Je crois avoir fait la plus grosse erreur de ma vie à aujourd’hui. L’enfer a duré 6 ans, deux enfants et une main courante pour violence physique.
Depuis, j’ai trois autres exemples où le process a été sensiblement le même au niveau des conversations. Cela me donnait le tournis, je ne comprenais pas mais je restais. J’avais l’impression d’une répétition, comme pour me persuader de ce qui se passait, comme pour me le faire accepter. Jusqu’au dernier, avec qui j’ai réagi. Difficile pour moi de lui faire part de ce travers qui me gênait. Pourtant j’ai réussi à le lui dire, et comme il niait, j’ai proposé de noter sur une feuille à chaque fois que cela se produisait, sous forme de petit bâton. Contrairement à mes attentes, il a très vite saisi le truc, et au lieu de me parler de nous, il a remplacé par « j’ai un petit bâton ! », ce qui revenait au même. Et effectivement, c’était plusieurs fois par jour, mais déjà beaucoup moins qu’avant. Il en avait donc pris conscience, sans pour autant arrêter le processus. Mon analyse s’arrête là, je passe le bâton aux psychologues !
Un contrat faussé dès le début, et d’un
Si j’avais quelque chose à reprocher à mon mari, c’était l’absence de vie sociale. C’est un ours, et je l’avais accepté ainsi. Mais comme je l’ai dit, ce que j’ai aimé au début est devenu rapidement un problème pour moi. J’ai besoin d’avoir une vie sociale a minima, même si je suis très casanière aussi. C’est souvent par périodes, certaines où je ne vais voir personne pendant des semaines, et d’autres où je vais sortir tous les soirs. Lui, l’autre, sortait tous les soirs justement, avait beaucoup d’amis, une famille aussi. C’est d’ailleurs son aisance en société qui m’a séduite en premier. J’avais envie d’être comme lui, d’avoir cet aplomb quand j’arrive dans une soirée où je ne connais personne. Je l’admirais pour cette raison. Mais dès que nous sommes devenus un couple, après avoir tout quitté, cette vie sociale a disparu de la sienne, à cause de sa possessivité et de sa jalousie. Les crises ont commencé très très rapidement, au sujet d’un de ses meilleurs amis, et même de son beau-frère, avec qui j’étais soit trop avenante, soit que l’autre était trop aux petits soins pour moi. Normal, j’étais enceinte. Sur six ans, j’en ai vécu trois à huit clos complet, sans aucune soirée entre amis, ni de sorties publiques. N’importe quel autre homme sur lequel je pouvais poser un regard ou inversement était forcément un ennemi et me valait une réflexion au mieux, une gueule de trois jours au pire. Quelque chose de difficilement supportable. J’ai accepté cet enfermement social alors que c’est précisément l’inverse que je venais chercher. What the fuck ?
Et de deux
Avec le deuxième, c’est sur un plan très différent que le contrat a été faussé. Contre toute attente, parce qu’il ne laissait rien transparaître, j’ai découvert un Maître en lui, au bout de quelques semaines. Je suis devenue rapidement sa soumise, sans contrat, au feeling. Je n’y connaissais rien mais j’y trouvais mon compte. Sauf que je restais vigilante car il était hors de question que ce contrôle qu’il exerçait sur moi au cours des jeux, il le fasse dans la vraie vie. C’est donc forcément là où ça a merdé. Il a tenté, il a joué, de manière très subtile, il a perdu, neuf mois plus tard. Parce que personne ne me dit ce que j’ai à faire dans ma vie.
Et de trois
Avec le troisième, ça aurait dû être plus rapide et moins violent. Rencontré sur Wyylde pour une séance de domination soft, lui en tant que soumis pour switcher, la peau de ce dominant m’a fait fondre. On se revoit, et là on discute, on fait l’entretien d’embauche quoi ! J’annonce que je libertine seule même quand je suis en couple, et que je peux aussi tombée amoureuse de quelqu’un d’autre si ça se présente. Pour résumer, je suis polyamoureuse et libertine. Lui me dit qu’il est exclusif et libertin en couple seulement, quand il est amoureux. Très bien, au revoir Monsieur, ce fût très sympa de vous rencontrer ! Mais là, il s’accroche et me dit de laisser venir, de voir comment ça se passe. Moi, je lui fais confiance, me disant que c’était une ouverture pour lui. Bien sûr, après un mois de relation amoureuse idyllique, quand il me demande si je vois d’autres hommes, il tombe de l’armoire à ma réponse positive. Comment puis-je être aussi aimante avec lui ? il décrète que ce n’est pas possible. Je tente à peine de lui expliquer, qu’il devient subitement sourd. Je comprends que c’est donc la fin de l’histoire. Mais non, il s’accroche encore et me demande de lui laisser me prouver que l’homme de ma vie existe et que c’est lui bien sûr. Je dis oui, alors que je sais que c’est non. Je lui laisse sa chance, et ça finira très mal trois mois plus tard, avec main courante pour destruction sur bien d’autrui… et harcèlement.
Et de quatre
Le quatrième, s’il n’avait pas été en couple quand nous avons fait connaissance via les réseaux sociaux, je ne serai même pas allée le rencontrer. Il se disait polyamoureux et libertin, cherchant à créer un trouple, une polyfamille. Mon rêve, avec ça et le reste. Je fonce, plus que jamais. Sauf qu’elle est partie au bout d’une semaine ! et c’est là que j’aurais dû partir aussi, même si je ne regrette pas tout ce qu’il m’a fait vivre ensuite. Il ne s’agit pas de cracher dans la soupe. Mais cette fois-ci, je suis restée alignée à mes envies. Tout en restant, j’ai dit non tout au long de l’histoire. On a essayé, on n’a pas réussi à trouver une autre fille. C’était forcément compliqué. Alors, je suis partie.
Et de cinq
Quant au dernier en date, ça ressemble à tout le reste. C’est Lady Erell qu’il a rencontrée en premier sur Internet. Et c’est Sophie qui a pris contact. Sauf qu’elle n’était pas là pour m’accueillir, et que c’est la femme qu’il a découvert très rapidement. Pourtant Lady et la femme qui se cache derrière sont bel et bien la même personne. Polyamoureuse et libertine seule. C’est écrit partout, en caractère gras non ? D’ailleurs, elle aussi sur son profil se dit polyamoureuse, et il annonce avoir plusieurs relations ouvertes ou non, en même temps. Alors, encore une fois, j’ai été confiante et je me suis laissée séduire, pensant qu’il savait à qui il avait affaire. Quand, à la fin du deuxième week-end, il m’annonce que le polyamour n’existe pas, qu’en fait il a des polyrelations, mais que cela n’est pas possible quand il est amoureux, c’est moi qui tombe de l’armoire ! et en plus, il ne tolère pas qu’un homme puisse toucher « sa » femme… Mais encore une fois, je dis oui alors que ça aurait dû être « sauve qui peut ». Je dis oui parce qu’à ce moment-là, je n’ai même pas envie d’être en relations, donc son cadre ne me gêne pas plus que ça. En fait, j’aurais dû dire NON deux fois !
Alors forcément, quand cela devient très vite un problème que je photographie des hommes nus, que je me fasse photographier nue, que j’écrive sur mes histoires passées, que j’aille faire des expériences artistiques non sexuelles très encadrées impliquant la nudité, et enfin que j’aille dîner avec mon amireux qui est, à chaque fois, recalé au rang des amis tout court, il faut définitivement que j’arrive à dire NON immédiatement, avant d’en arriver à subir et faire subir cet enchaînement de malentendus inévitables. A bon entendeur, salut !