Au début, je n’ai pas compris pourquoi il ne voulait pas me pénétrer (ah bon ?). Je l’ai presque mal pris, presque parce que j’essaie de ne plus prendre les choses personnellement (dixit les Accords Toltèques) (mais tu sais bien que ça n’avait rien à voir avec mon envie de toi). J’ai pu accepté d’abord que mon plaisir passait avant le sien (pas tout à fait, je savais juste que je ne voulais pas ce soir là ; mais c’est vrai que je suis plus dans le donner que dans le prendre). Puis, j’ai entendu qu’il préférait retarder le moment parce que, après, “il n’y aurait plus rien à découvrir”… (ça c’est de la flûte, bull shit évidemment ; je n’allais quand même pas te dire à ce stade que j’avais peur de tomber amoureux de toi. Excuses complètement fallacieuses, bien au contraire, c’était justement un point de départ, ou de non retour). A force de se voir, et qu’il n’y ait que moi qui jouisse, j’ai commencé à me sentir très frustrée… (je pouffe, je revois ta tête par moment, en me disant qu’il va falloir que je fasse quelque chose rapidement), d’autant que la mécanique du désir semblait fonctionner… jusqu’à ce que les choses deviennent trop concrètes pour lui. Je n’avais tout simplement pas accès à sa jouissance physique par aucune pénétration possible. Il descendait aussi vite qu’il était monté. J’ai boudé, j’ai rappelé que je pouvais me satisfaire ailleurs (oui je sais ce n’était pas très fairplay mais on fait ce qu’on peut), ce qui a déclenché une explication plus crédible : la pression de ne pas me satisfaire (oui bah c’est toujours vrai aujourd’hui… je crois… ça me permet aussi de ne pas tomber dans la routine… le fameux “plus rien à découvrir”).
Les travaux pratiques
J’ai écouté avec empathie, cherchant des solutions concrètes et psychologiques. Comment pourrait-il ne pas me satisfaire ? Pareil, je ne comprends pas très bien (bah c’est évident non ? toi hyper expérimentée, moi beaucoup moins, un écart perçu entre nos vécus, pouvant me contenter d’une sexualité dite classique, toi je ne sais pas). Et puis, il a fallu avancer au risque de nous perdre définitivement, parce que pour moi c’était hyper important qu’il me pénètre, mais surtout qu’il me donne sa jouissance. J’ai même découvert de moi que ça devenait plus important que ma propre jouissance. J’avais déjà conscience que mon plaisir passait forcément par celui de l’autre, mais là, le degré est monté d’un cran (on se rejoint donc là-dessus, le donner avant de prendre ; c’est quand tu m’as parlé de tes 50% de plaisir qui n’étaient pas satisfaits que j’ai vraiment pris conscience de la situation). Alors, les mots affluent et lui révèlent ma réalité : je ne vais pas finir la soirée avec mon amant parce que c’est de lui dont j’ai envie. Point. Maintenant, il sait que je vais le voir, et aussi ce que je ne ferai pas. Je ne sais pas ce qui a déclenché le premier pas en lui, mais il est revenu vers moi en me disant qu’on allait essayer. Il l’avait déjà dit en fait, sous la forme “ce soir, tu peux me violer”… mais ça n’avait pas fonctionné. Peut-être bien que le mot “violer” était joueur, mais aussi significatif d’un acte violent. Les mots ne sont jamais choisis par hasard, même quand on pense plaisanter (mais pour moi rien n’avait changé en fait, il fallait que ça vienne de moi et ça ne suffisait pas de le dire). Cette fois, il me dit qu’il veut qu’on essaie ensemble. Cela me paraît beaucoup plus constructif. On avance, ensemble. J’ai donc la ferme intention d’utiliser ma psychologie de comptoir, qui a déjà fait ses preuves (mais pourquoi tu dis ça ? depuis quand fais-tu de la psychologie de comptoir, toi ? T’es jamais basique…). Comme à mon habitude, j’entame par le dialogue puisque nos tentatives par les messages corporels ont toutes échouées jusqu’à présent. Je l’interroge sur ses envies, ses pratiques préférées, ce qu’il aime. Après tout, je ne le connais que depuis quelque semaines seulement (quand est-ce que tu vas arrêter de dire que tu ne me connais pas ?).
Silence radio. Il ne sait pas. Il est introverti, ne parle pas de ces choses là visiblement. Tout le contraire de moi. La seule chose qu’il arrive à me dire, c’est qu’il aime quand c’est bien. On ne peut réponse plus évasive (tu me forces à dire quelque chose, alors je réponds quelque chose). Ça veut dire quoi “bien” ? C’est justement ce que je demande. C’est comment quand c’est bien pour toi ? Il ne sait pas me dire. Je tente de lui donner des exemples, en me disant que ce n’est pas du tout une bonne idée que je lui parle de mes conquêtes. Alors, j’énonce des trucs généraux tout en disant que c’est ce que j’ai pu rencontré. Certains n’aiment pas être en dessous, d’autres n’ont aucune attirance pour le sexe féminin, certains ont besoin de préliminaires quand d’autres sont dans l’action immédiate. J’en passe et des meilleurs. Toujours rien qui vient. Et puis, subitement, il m’annonce qu’il n’aime pas le 69. Un autre point commun que nous avons, c’est bon signe. Nous partageons l’idée qu’il nous est difficile de nous concentrer sur les deux plaisirs en même temps : celui de donner et celui de recevoir. Mais aussi, parce que pour lui, la position inversée de la bouche ne lui procure aucune sensation. Un détail qui m’étonne beaucoup pour ne jamais l’avoir constaté par ailleurs. Serait-ce dû à la façon de s’y prendre en bouche ? (oui bah avec toi ça marche… avec d’autres, beaucoup moins).
Il ne reste plus qu’à tester. Je prends alors un ton ironique et lui propose un exercice de mise en pratique, puisque nous avons donc à notre disposition tous les ingrédients : une bouche et une verge. Allez hop, à poil Monsieur. Il semble étonné, rit en ayant l’air de se demander si je vais vraiment faire ce que j’annonce (non ça va, j’avais compris, je n’avais plus de doute). Moi, ça m’amuse beaucoup. J’ai souvent utilisé l’humour et la bonne humeur pour détendre l’atmosphère de situations érotiques qui auraient pu tourner au glauque ou au néant. Il s’exécute néanmoins, légèrement abasourdi (plutôt contraint, condamné à jouir). J’entreprends donc une fellation face à lui, tout en lui demandant ce qu’il ressent, en mode “atelier”, pleine lumière et voix haute. Rien à voir avec la situation sensuelle et érotique qui pourrait lui faire plaisir (oui enfin j’aime aussi autre chose quand même… tu le sais non ? Sauf évidemment ce qui est très cru, il y a quand même un large éventail entre le deux à explorer). Ok, oui il ressent. D’ailleurs, son membre durcissant commence à le manifester. J’en fais autant en sens inverse, lui présentant nonchalamment mon cul, histoire d’en rajouter à cette scène burlesque. “Et là ? Tu ressens ?”. Bah oui, il ressent… et je le sens aussi. Son sexe devenant plus dur que je ne l’ai jamais vu encore. Je le chevauche alors sans lui laisser le temps de réfléchir, et c’est justement parce qu’il n’aura pas laisser son mental et ses peurs prendre le dessus qu’il jouira en quelques secondes. Ce fût donc court mais intense. Et franchement, je n’espérais même pas que cela puisse être aussi facile (rien à ajouter… comment résister à ce moment là ? Il fallait juste que j’accepte puisque j’avais de toutes façons très envie de toi).
Sacrée comment ?
Quelques semaines plus tard, il m’avouera enfin que la vraie raison était de l’ordre sentimental : il ne pourrait plus nier ses sentiments une fois qu’il m’aurait pénétrée. Comme une sorte de piège amoureux par le corps. Il serait foutu quoi ! Et puis, j’ai lu de lui qu’il avait déjà arrêté des ébats fougueux et amoureux au moment de ladite fameuse pénétration, juste avant, pour pouvoir encore faire marche arrière. Toujours comme si ensuite, plus rien ne serait pareil (c’était surtout une question de moralité dans mon histoire, bien que l’acte de pénétration reste symboliquement fort, au sens de connexion ultime ; l’acte qui met un point d’orgue, ne doutant pas un instant que ça serait très bon, et donc ensuite très difficile de pas avoir envie que l’histoire dure. C’est à ce moment là que je me suis donné à toi, oui…). J’ai mis immédiatement cette histoire en parallèle avec une des miennes, celui pour qui mes sentiments existent depuis que je peux en avoir le souvenir. De la même manière mais pour des raisons réellement physiques, et non pas de frein mental ou d’absence d’envie, nous n’avons pu atteindre ce moment que je qualifierais de sacré, où deux êtres se connectent absolument. L’image qui m’est apparue comme la plus forte pour décrire cet instant est dans le film Avatar, quand l’être se connecte à l’animal par la queue. Le symbole y est suffisamment présent pour en faire une analogie avec l’acte de pénétration sexuelle entre deux êtres. C’est probablement pour cette même raison qu’il m’a demandé de lui faire l’amour comme il me le fait, en utilisant mon sexe artifice (une autre façon de me donner à toi, en effet, d’autres façons voire de toutes les façons possibles, parce que je suis et je reste dans le contrôle, sauf quand ça fait du sens pour moi).
Ce qui a du sens pour moi aujourd’hui, c’est que pendant un an (toute l’année 2018), je n’ai plus eu envie de me faire pénétrer par “n’importe qui”. Non pas que cela me soit arrivé trop de fois, mais plutôt parce que je n’y retrouvais plus cette connexion qui a du sens justement. Alors, j’ai plutôt rencontrée des partenaires qui aimaient que je les pénètre, ce qui m’a bien arrangé. Peut-être aussi que l’année précédente a trop été marquée par une pénétration mécanique, très remplissante, mais qui manquait de cette énergie que j’aime nommer de tantrique. Une pénétration en conscience de l’acte lui-même, dans ce qu’elle a de plus intense symboliquement : je t’offre mon intérieur, je te laisse entrer en moi par mon chakra racine, pour que ton énergie parcourt ma kundalini jusqu’à me procurer l’extase. Je ne suis pas vraiment certaine que les sentiments y soient pour quelque chose. Cette connexion me semble possible entre deux êtres qui en ont conscience, qui ont une affinité de corps et d’esprit, sans se connaître vraiment. C’est au-delà de toute analyse logique et cartésienne. Bien sûr que la présence de l’Amour pourra en être à l’origine ou renforcer cette sensation, pour que ça n’en soit que meilleur et plus puissant. Si connexion énergétique et sentiments sont réunis, alors l’union devient sacrée à mes yeux. Elle forme une unité qui se suffit à elle-même et dont je peux devenir addict évidemment. C’est là que la boucle est bouclée. Il savait déjà que la peau parlait, que les sentiments naissaient. Alors, cet acte ultimement intime ne pourrait que consolider ce qui était déjà là, pour le perdre à jamais (ça c’est pour les romantiques) ou presque.
La pénétration, c’est l’acte de “faire l’amour”.
N.B. : ceci est le premier article écrit en cocréation par Lady Erell et commenté dans le texte par Paul G.
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